Usages de l’IA en médecine : entre promesses et prudence

L’Intelligence Artificielle s’impose comme un sujet inévitable, et il est désormais impossible (ni judicieux) de faire fi de la révolution qu’elle entraîne dans tous les domaines, notamment celui de la médecine.

Dans cet article nous présentons, de manière succincte, les bénéfices de l’intelligence artificielle appliquée à la relation de soins et les principales précautions à garder à l’esprit dans son usage.

Par ailleurs, nous précisons en quoi le rôle du médecin est essentiel pour garantir le bon développement de ces nouvelles solutions et comment il peut parvenir concrètement à être un acteur engagé et pérenne de cette révolution.

Vers une médecine plus optimisée et humaine grâce à l’intelligence artificielle ?

L’histoire de l’automatisation des tâches n’est pas récente. Comme l’explique Paul JORION, anthropologue, économiste, psychanalyste et chercheur en intelligence artificielle, la première fois qu’un homme recourt aux machines pour effectuer des tâches à sa place remonte à 1642. Cette année-là, Blaise Pascal invente la « machine d’arithmétique », connue sous le nom de pascaline, ancêtre de nos calculatrices. Il y 382 ans, l’humanité effectuait ainsi ses premiers pas vers la délégation de tâches intellectuelles aux machines. 1

femme docteur en train d'utiliser l'IA

Aujourd’hui, nous constatons une présence croissante des IA en médecine libérale et hospitalière, ce qui suscite des réactions mitigées. Pour de nombreux acteurs, l’intégration de cette technologie est perçue non pas comme une aide, mais comme une intrusion dans la relation privilégiée entre le médecin et son patient. La place du médecin semble même, pour certains, compromise pour le futur alors que d’autres y voient une opportunité exceptionnelle et un moyen pour répondre à nos défis de santé contemporains, à savoir réponses aux transitions épidémiologique et démographique ou encore au problème de démographie médicale.

L’IA peut se déployer de différentes manières, par exemple dans des logiciels de diagnostic avancés, des robots chirurgicaux ou encore des systèmes intelligents qui assistent dans la rédaction des comptes-rendus médicaux.

L’Intelligence Artificielle peut intervenir à tous les stades du parcours de soins :

  • Prévention : elle peut servir à identifier de manière précoce des risques de santé grâce à l’analyse prédictive.
  • Dépistage : elle peut améliorer le dépistage des maladies grâce à l’exploitation empiriques des données patients et scientifiques à un instant donné
  • Traitement : Les robots et logiciels à base d’IA peuvent personnalisés de manière très fine les traitements et les adapter à chaque patient. 2

 

Contrairement aux craintes souvent exprimées, l’IA ne déshumanise pas ni ne remplace les soins médicaux. Au lieu de cela, elle peut renforcer la dimension humaine de la relation médecin-patient en libérant du temps pour l’engagement émotionnel du médecin, quel que soit sa spécialité. Effectivement en déléguant les tâches administratives à l’intelligence artificielle, les médecins peuvent se recentrer sur l’aspect le plus crucial de leur métier : le soin au patient.

1 Paul JORION, L’avènement de la Singularité l’humain ébranlé par l’intelligence artificielle, Editions Textuel, 2024
2 Jean-Emmanuel BIBAULT « 2041 : L’odyssée de la médecine », Edition Equateurs, janvier 2023

2 docteurs en train de consulter des problèmes médicaux

Garder le contrôle sur la révolution de l’IA en santé

Dans un monde où la médecine rencontre l’innovation, l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme un instrument clé. Cependant, cette avancée spectaculaire nécessite des garde-fous solides pour assurer un usage éthique et sécurisé de l’IA. Parmi les éléments fondamentaux à garantir :

  • La préservation des droits des patients et le respect des principes déontologiques de la médecine : l’usage de l’intelligence artificielle est conditionné à l’obligation d’informer le patient et l’obtention de son consentement éclairé pour toute décision médicale le concernant.
  • La protection des données personnelles : Une vigilance accrue est cruciale pour prévenir et empêcher des dérives dues à l’exploitation inappropriée des données sensibles de santé par des acteurs externes, comme les grandes entreprises technologiques (par exemple GAFAM) ou des assureurs.
  • Une utilisation de l’IA réfléchie et contextualisée : L’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la santé doit faire face à un enjeu majeur : le risque de perpétuer des biais existants dus à la perfectibilité des données utilisées pour son entraînement, tels que les biais de genre (gender data gap). Par exemple, les symptômes d’infarctus chez les femmes peuvent différer de ceux observés chez les hommes, mais si l’IA est principalement entraînée sur des données récoltées sur une population masculine, elle risque de mal interpréter les signes chez les femmes et induire en erreur le diagnostic, ce qui peut entrainer des conséquences dramatiques pour le patient. Il est donc crucial que les médecins utilisent l’IA en complément de leur jugement clinique pour éviter de tels écueils. 3

 

Les médecins demeurent les seuls acteurs liés par le serment d’Hippocrate, ils portent la responsabilité ultime en cas de difficultés survenant dans la relation de soins. C’est pourquoi il est impératif que le médecin conserve toujours le contrôle sur l’outil technologique, et non l’inverse.

Pour encadrer ces enjeux, le concept de « garantie humaine » a été proposé par Ethik-IA préconisant un contrôle de l’efficacité de l’IA, directement par des professionnels de santé et des usagers, a posteriori de son utilisation.
De plus, la Commission européenne a identifié les applications dites « à haut risque », insistant sur les obligations de transparence et de sécurité des ces solutions, particulièrement dans les secteurs sensibles comme la santé.
En France, le 8 avril 2024, la CNIL a dévoilé ses premières recommandations pour le développement de systèmes d’intelligence artificielle innovants et respectueux de la vie privée des personnes : lien vers l’article

3 Pour en savoir plus : Caroline PRIADO PEREZ « Femmes invisibles – comment le manque de données sur les femmes dessine un monde fait pour les hommes », First Editions, 06/02/2020

Conclusion

Alors que l’IA promet de révolutionner la médecine, une collaboration étroite entre technologie et médecin est essentielle pour tendre vers un avenir où la technologie renforce le soin sans le déshumaniser. Mais pour cela, il faut :

  • Encourager les médecins à engager des débats constructifs avec les éditeurs de solutions d’IA et être déterminant dans les négociations
  • Favoriser l’expression et le recueil des besoins des médecins afin d’orienter le développement des solutions futures, d’anticiper les évolutions et de guider les progrès technologiques.

 

Cependant, pour réaliser cette ambition, il est primordial d’offrir aux médecins les ressources nécessaires, c’est-à-dire :

  • Développer en continu leurs compétences et connaissances sur l’intelligence artificielle
  • Les encourager à faire entendre leurs positions sur l’IA à travers des plaidoyers d’envergure

 

À cet égard, l’URPS ML-NA peut œuvrer à fournir aux médecins les moyens nécessaires pour être acteurs de cette révolution et porter leur voix en faveur du développement d’une intelligence artificielle humaniste.

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