La parole aux territoires : La Dordogne

En Dordogne, les témoignages des médecins mettent en avant une dynamique collective qui transforme les pratiques. Entre la mise en place d’actions de prévention portées par les CPTS, l’organisation des MSP et l’appui d’assistants médicaux, ce département rural se révèle être un terrain fertile pour l’innovation et l’attractivité médicale. À travers cet article, découvrez comment ces initiatives redessinent la médecine de proximité et encouragent l’installation de jeunes professionnels.

Portrait santé*

Superficie : 9 060 km²

Nombre d’habitants : 412 807

Nombre de communes : 503

Établissements de santé :

  • 12 hôpitaux publics
  • 3 cliniques privées

 

Ensemble des médecins (tout statut) : 1 016

Âge moyen : 53,5 ans

Médecins généralistes libéraux et mixtes :

  • 310 (dont 171 de + de 55 ans)
  • Densité médicale : 75,4
  • 62,8% d’hommes et 37,2% de femmes

Médecins spécialistes libéraux et mixtes :

  • 257 (dont 135 de + de 55 ans)
  • Densité médicale : 62,5
  • 69,5% d’hommes et 30,5% de femmes

Variation de la densité médicale (2010/2023) : -0,40%

Nombre d’actes techniques/an : 1 003 809 (dont 44 373 en médecine générale et 959 436 en médecine spécialisée)

Nombre d’actes cliniques/an : 1 993 450 (dont 1 590 254 en médecine générale et 343 196 en médecine spécialisée)

Taux de médecins généralistes participant à la permanence des soins (PDSA) : 81,9%

Exercices coordonnés :

  • 5 CPTS (74% du territoire couvert)
  • 32 Maisons de santé

 

*Les sources : Statiss 2022 – Atlas de la démographie médicale 2023 – ISPL 2022 – CCAM 2022 – Agora Lib’ Oct. 2023

La population est plus encline à entendre les messages de prévention lorsqu’ils viennent des professionnels du territoire

La CPTS du Bergeracois est une des premières créées en France, la plus ancienne de Nouvelle-Aquitaine. Nous disposons donc maintenant d’un certain recul.

Le premier intérêt de cette structure nous est apparu très vite, lors de la crise sanitaire de la Covid. Au sein de la CPTS nous avions un objectif prioritaire : protéger nos soignants pour les visites à domicile. Il faut se rappeler les morts de soignants en début d’épidémie, et les multiples pénuries : soluté hydroalcoolique, blouses, masques, etc. Le rôle de la CPTS a été capital pour fédérer les initiatives et compenser ces manques. Je pense que le rôle d’une CPTS est d’être un interlocuteur privilégié pour les pouvoirs publics en matière de santé sur un territoire.

Le deuxième aspect est celui de la prévention. La CPTS réunit tous les professionnels de santé du territoire disposant d’un ordre professionnel, avec un collège associé pour les professionnels sans ordre (diététiciens, psychologues, etc). La population est plus encline à entendre les messages de prévention lorsqu’ils viennent des professionnels locaux.

En mai dernier nous avons organisé à Prigonrieux le Village Prévention, ouvert aux scolaires et au grand-public, pendant 2 jours. L’idée initiale était de trouver un thème fédérateur pour les différents collèges de professionnels présents au sein de la CPTS. Ce projet a été source de rencontres avec les associations travaillant les mêmes thématiques, sur un rayon de 40 km. Et nous avons pu faire passer des messages importants intégrant la problématique actuelle du manque de professionnels : Prévention routière, hygiène buccodentaire, prévention des violences intrafamiliales, présentation par des kinés de l’auto-rééducation…

Nous avons aussi fait aussi de « l’aller-vers », notamment pour la vaccination HPV en partenariat avec la Clinique Pasteur de Bergerac. La campagne a été réalisée directement sur les lieux de scolarisation des collégiens.

Nous avons une richesse sur notre territoire : les IDEL. Il faut savoir en tirer parti.

Nouvelle installation

Après mon clinicat au Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux, j’ai opéré un rapprochement familial et j’ai rejoint mon mari à Périgueux en novembre. Initialement, j’imaginais pouvoir effectuer des remplacements. J’ai alors eu la grande surprise de découvrir la quasi-absence de cabinet de pédiatrie dans Périgueux.

Ce constat m’a donné l’impulsion nécessaire pour me lancer dans l’installation de mon propre cabinet. Je rejoins les témoignages de mes jeunes confrères sur les difficultés initiales d’installation liées à notre méconnaissance de l’univers administratif de l’exercice libéral.

Fort heureusement, j’ai été accueillie à bras ouverts par la clinique dans laquelle exerce mon mari, qui m’a proposé un local idéal assorti d’une aide bienvenue à l’installation, qu’elle soit informatique, matérielle ou de communication sur mon arrivée. De même, la CPAM de Dordogne et le Conseil de l’Ordre des médecins se sont montrés très bienveillants, malgré mes maladresses.

J’ai été heureuse de pouvoir compter sur l’URPS pour m’appuyer sur l’expérience de confrères déjà installés.

Même si je n’avais pas prévu de m’installer si rapidement, l’enthousiasme de la population à l’arrivée d’une nouvelle pédiatre en ville me porte et m’incite à réaliser les projets que j’avais imaginé.

D’une part, l’installation au sein d’une clinique et à proximité de l’hôpital me permettra de poursuivre une activité en équipe pluriprofessionnelle. D’autre part, je souhaite développer un travail d’éducation thérapeutique et de promotion de la santé.

Enfin, la flexibilité de l’activité libérale devrait me permettre de participer à des projets de recherche et d’enseignement – en tout cas j’ai la motivation chevillée au corps dans cet objectif.

Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de la Dordogne

Le département de la Dordogne se présente comme un des plus grands du territoire français (le 3ème derrière la Gironde et les Landes) : 412 000 habitants avec une densité aux fortes variations, ainsi que de nombreux bassins de vie à la moyenne d’âge élevée. Trois pôles urbains principaux réunissent 42 % de la population résidente, tandis que le sud du département connaît de fortes variations de populations lors des périodes touristiques.

Le nombre de médecins généralistes libéraux est en forte décrue, au rebours de leurs collègues salariés qui progresse. Le nombre de médecins généralistes est passé en près de vingt ans de plus de 400 à un peu moins de 300 et leur moyenne d’âge, supérieure à la moyenne française, a augmenté de trois semestres en dix ans. Cette densité médicale, hélas, ne semble pas devoir, sinon augmenter, du moins se stabiliser. Si le nombre de médecins spécialistes paraît moins dramatique, il cache des disparités importantes, avec certaines spécialités très bien pourvues (notamment l’urologie, l’orthopédie, maladie infectieuse) et d’autres en grand déficit (psychiatrie, neurologie, endocrinologie, etc.).

Les trois centres urbains hébergent chacun un centre hospitalier et trois cliniques offrent des soins chirurgicaux et médicaux. Enfin, le département dispose d’hôpitaux locaux qui forment un maillage territorial au rôle majeur, en dépit de la carence cruelle de médecins.

Depuis peu les politiques ont placé le problème de carence d’accès aux soins au cœur des actions locales, mais il reste à fédérer et coordonner celles-ci par-delà les opinions et divergences. Cela a été le propos principal du ministre de la Santé Aurélien Rousseau lors de sa visite en Dordogne cet été.

Face à ce tableau pessimiste, il faut mettre en contrepoint la dynamique de regroupement opérée et menée par les médecins eux-mêmes, parfois en s’affranchissant des cahiers des charges institutionnels jugés trop lourds, parfois avec l’aide de ces institutions.

Globalement, l’arrivée de jeunes consœurs et confrères ne se fait que dans les groupes réunissant un nombre suffisant de praticiens, garantissant ainsi un confort de travail et autorisant à garder la main sur les horaires et rythme d’activité.

La venue d’internes de la faculté de Limoges constitue également un espoir de rééquilibrage face à la concurrence du littoral et de la métropole bordelaise qui ont longtemps sevré notre département de jeunes pousses au temps de l’ancienne région.

Les assistants médicaux, c’est dans l’intérêt des patients

Au départ, quand l’assistante médicale a été mise en place au sein de la MSP de Vergt, grâce à la CPTS et la SISA, on était un peu dubitatifs, j’avoue. Et puis on a réfléchi, on s’est inspiré de collègues, comme le Dr Faroudja à Saint-Pardoux-la-Rivière, pour savoir comment lui déléguer certaines tâches… Et là, elle s’absente pendant deux jours parce qu’elle est en formation et aujourd’hui elle me manque !

C’est énorme ce qu’elle peut faire comme papiers, en plus des secrétaires. Elle cadre les consultations, prépare certaines ordonnances, anticipe celles de renouvellement de matériel médical dans les Ehpad par exemple, que je contrôle ensuite. Elle vérifie les antécédents médicaux, les traitements antérieurs, l’envoi des compte-rendu d’expertise.

Bien sûr tout est fait sous mon contrôle, mais comme elle a été formée, elle fait aussi les ECG si un patient arrive en salle d’urgence – Soins Non Programmés avec une douleur thoracique. Elle édite la prise de sang pour que je la regarde tout de suite, elle me prépare les plateaux et m’assiste pour les sutures… Cela permet de gagner un temps considérable, ça dédramatise et ça crée un certain relâchement dans le geste médical que l’on a besoin de faire aussi.

Et surtout, on peut faire de la télé-expertise : Elle m’assiste pour les demandes de RDV de spécialistes, elle fait les photos pour les consultations dermatos sur Omnidoc, vérifie les cotations d’actes. Parallèlement, elle guette les patients qui n’ont pas de déclaration de médecin traitant pour essayer de régulariser tout cela. On a créé une profession qui diminue notre temps administratif de manière importante et qui crée aussi du travail intellectuel, mais c’est du travail de qualité. C’est dans l’intérêt du patient, ce n’est pas de la médecine au rabais.

On repère des gens à côté desquels on aurait pu passer ou qui n’auraient pas pensé à consulter un spécialiste

La CPTS Viveval est encore très récente mais on a déjà commencé à développer des projets de santé publique grâce au fait que l’on se connaissait bien. On fait ainsi des matinées de prévention tout public, sous les halles communales, comme en juin dernier sur le diabète. C’est un moment convivial qui permet de sortir du cabinet et de se rapprocher de certains patients éloignés du soin. Et l’année prochaine on choisira probablement le thème de la dyspnée.

En effet, la prévention de la BPCO chez les patients souffrant d’HTA et d’embonpoint ou chez les fumeurs de plus de 40 ans qui réduisent leur activité physique sans s’en rendre compte, c’est un vrai sujet. La réduction de la capacité respiratoire se développe sournoisement et conduit à une insuffisance sans s’en rendre compte.

Or, durant mon cursus professionnel, j’ai fait de la cardiologie pendant 10 ans. J’ai toujours été attirée par cela. Donc, depuis un an, nous faisons des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) notamment grâce à l’assistante médicale qui aide à mettre en pratique cette consultation et à une nouvelle médecin qui nous rejoint et va nous aider à les développer. On repère, on propose une échographie cardiaque si besoin. La prise en charge est globale.

On a bien sur développé cela en accord avec les pneumologues du secteur car on leur adresse des gens qui n’auraient pas spontanément demandé une consultation en pneumologie. Mettre en place la première ligne de traitement permet aussi au patient d’attendre la consultation de manière plus confortable.

Et le but au sein de la CPTS, c’est de partager ces critères de risque entre médecins afin de permettre le déploiement de ces EFR sur tout le territoire. Le fait de travailler sur des problématiques communes ou de développer des actions que l’autre pourra s’approprier, cela permet d’impulser une dynamique pour notre profession.

Dispositif d’Appui à la Coordination de Dordogne (DAC 24)

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